SODOMA by Frédéric Martel

SODOMA by Frédéric Martel

Auteur:Frédéric Martel [Martel, Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Robert Laffont


Un soir d’octobre 2017, je suis à Bogotá avec un ancien séminariste, Morgain, qui a longtemps fréquenté et travaillé avec López Trujillo à Medellín. L’homme est fiable ; son témoignage irréfutable. Il continue à travailler pour l’épiscopat colombien, ce qui rend difficile sa parole publique (son prénom a été modifié). Mais rassuré sur le fait que je le citerai sous un nom d’emprunt, il se met à me raconter en chuchotant les rumeurs puis bientôt, à haute voix, les scandales. Lui aussi conserve depuis si longtemps ces informations secrètes qu’il vide son sac, avec d’innombrables détails, au cours d’un long dîner, auquel participe également mon researcher colombien Emmanuel Neisa.

— Je travaillais avec l’archevêque López Trujillo à Medellín à cette époque. Il vivait dans l’opulence et il se déplaçait comme un prince ou plutôt comme une vraie « señora ». Lorsqu’il arrivait dans l’une de ses voitures de luxe pour faire une visite épiscopale, il nous demandait de faire poser un tapis rouge. Il descendait ensuite de la voiture, sortait sa jambe, dont on ne voyait d’abord que la cheville, puis posait un pied sur le tapis, comme s’il était la reine d’Angleterre ! On devait tous embrasser ses bagues et il lui fallait partout, autour de lui, de l’encens. Pour nous, ce luxe, ce show, l’encens, le tapis, étaient très choquants.

Ce train de vie d’un autre temps se double d’une véritable chasse aux progressistes. Selon Morgain, dont le témoignage est confirmé par celui d’autres prêtres, Alfonso López Trujillo repérait, au cours de ses tournées de diva, les prêtres proches de la théologie de la libération. Étrangement, certains disparaissaient ou étaient parfois assassinés par les paramilitaires juste après la visite de l’archevêque.

Dans les années 1980, Medellín devient, il est vrai, la capitale mondiale du crime. Les narcotrafiquants, notamment le célèbre cartel de Medellín de Pablo Escobar – on estime qu’il gère alors 80 % du marché de la cocaïne vers les États-Unis –, font régner la terreur. Face à l’explosion de la violence – à la fois la guerre des narcos, la montée en puissance des guérillas et les affrontements entre cartels rivaux –, le gouvernement colombien déclare l’état d’urgence (estatuto de seguridad). Mais son impuissance est évidente : pour la seule année 1991, plus de six mille homicides sont dénombrés à Medellín.

Face à cette spirale infernale, des groupes paramilitaires se créent dans la ville pour organiser la défense des populations, sans qu’il soit toujours possible de savoir si ces milices, parfois publiques, souvent privées, travaillent pour le gouvernement, les cartels ou leur propre compte. Ces fameux « paramilitaires » vont semer, à leur tour, la terreur dans la ville, puis se lancer eux aussi, pour se financer, dans le trafic de drogue. De son côté Pablo Escobar renforce à ses côtés son Departamento de Orden Ciudadano (DOC), sa propre milice paramilitaire. En fin de compte, la frontière entre les narcotrafiquants, les guérilleros, les militaires et les paramilitaires se brouille complètement, précipitant Medellín, et la Colombie tout entière, dans une vraie guerre civile.



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